Bilan de la prospérité nationale
L’année 1879 a eu ses jours difficiles pour l’industrie ; elle marquera dans les annales agricoles comme une des plus mauvaises et dans les annales météorologiques comme une des plus calamiteuses du siècle. En dépit de tout cela, à rencontre des prédictions sinistres lancées de mois en mois, les chiffres dans lesquels vient se résumer le bilan de la prospérité nationale, après tant de circonstances contraires, apportent un nouveau démenti aux pessimistes de propos délibéré qui appellent tous les maux possibles sur la France, en haine de là forme de gouvernement qu’elle s’est donnée.
Le rendement éventuel des impôts indirects avait été évalué, dans les prévisions budgétaires, à 2,854 millions; le rendement effectif a donné 2,996 millions, c’est-à-dire un excédent de 142 millions sur le total attendu. Pour amoindrir ce résultat, les prophètes désappointés voudraient faire entendre qu’il est aisé de se ménager le mérite d’une plus-value pour la fin de l’année, en abaissant le chiffre des prévisions. Mais cette insinuation charitable se heurte à un fait sans réplique : le produit des impôts indirects en 1879 n’a pas dépassé seulement les calculs du budget, il a été supérieur de 75 millions et demi au produit de l’exercice précédent, c’est-à-dire de l’année 1878, de l’année de l’Exposition.
L’impôt sur le revenu a fourni, de son côté, une plus-value de 2,300,000 francs.
Enfin, les versements sur les contributions directes étaient, au 31 décembre, en avance de 32,500,000 francs, et l’on constate que les frais de poursuite et de contrainte ont subi une légère diminution pendant l’année, preuve de la facilité avec laquelle s’opère la perception, preuve aussi par conséquent de l’aisance qui règne parmi la généralité des contribuables.
Le tableau commercial est forcément un peu moins favorable, en raison de la crise agricole et alimentaire à laquelle il a fallu faire face. L’importation a dépassé l’exportation de 1,431 millions en 1879. Au point de vue des vieux préjugés de la balance des échanges, la différence eût été jadis énorme ; aujourd’hui, elle n’a plus qu’une importance très relative, puisque nous avons pu solder cet énorme excédent d’achats sans que notre marché financier en ait ressenti le moindre contre-coup, sans que l’encaisse de la Banque ait été sérieusement attaquée ni le taux, de l’escompte réellement altéré. Pour ce qui regarde le côté industriel, d’ailleurs, la situation de notre trafic international reste excellente. Nous n’avons importé que pour 420 millions d’objets fabriqués, tandis que nous en avons exporté pour 1,735 millions. Ce sont, de part et d’autre, les mêmes chiffres qu’en 1878, à quelques millions près, et identiquement la même proportion entre les deux chapitres. Il en résulte donc que la France a conservé tout le terrain conquis pendant l’année de l’Exposition universelle, comme aussi toute sa supériorité dans le mouvement d’échange des produits de l’industrie qui, pour elle, est le véritable thermomètre et la véritable base de la prospérité nationale.
Si nous entrions dans une comparaison avec les autres pays, à commencer par l’Angleterre et l’Allemagne, le contraste montrerait d’une manière bien plus frappante encore quelle situation privilégiée entre toutes les nations font à la France républicaine les résultats que nous venons de constater.