Charité publique
Au milieu de l’admirable élan de charité publique provoqué en faveur des malheureux par les rigueurs de l’hiver d’où nous sortons, une question inattendue et fort grave avait surgi. Les maires de certaines villes, considérant les bureaux de bienfaisance comme les seuls distributeurs autorisés de secours, élevaient la prétention que le produit de toute souscription ouverte soit par la voie des journaux, soit par des comités privés, fût versé à la caisse de ces mêmes bureaux. Adoptée et sanctionnée par trois ou quatre préfets, cette doctrine avait causé une pénible surprise et soulevé des protestations à peu près unanimes. Elle équivalait à confisquer en quelque sorte la liberté de la charité, au profit de cette incurable manie de centralisation contre laquelle on déclame sans cesse, en s’y abandonnant de plus en plus.
La question ne pouvait rester en suspens. Déférée au Conseil d’État, elle vient d’être tranchée dans le sens que devait attendre et souhaiter tout esprit libéral. Le droit de distribuer l’aumône comme ils l’entendent est reconnu et demeure acquis à ceux qui ont recueilli des fonds à cet effet, par voie de souscription publique ou particulière. Le maire a simplement la faculté d’intervenir, à titre de contrôle, lorsqu’il a lieu de soupçonner que les fonds pourraient être détournés de la destination en vue de laquelle ils avaient été demandés aux donateurs.