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Conseil supérieur de l’instruction publique

Samedi 1er mai 1880 ♦ Actualité

Les élections pour le Conseil supérieur de l’instruction publique ont eu lieu le 15 avril. Les résultats proclamés les jours suivants ont donné 36 nominations, sur 45 membres que le corps enseignant avait à élire. Les 9 autres seront nommés à un second tour de scrutin. Mais comme il n’est guère probable que l’opinion des électeurs se modifie d’ici là, on peut considérer comme certaine l’élection des candidats qui ont réuni la première fois le plus grand nombre de suffrages. La composition du nouveau Conseil peut donc être appréciée dans son ensemble.

Dans les corps académiques et les écoles spéciales, l’élection n’a donné lieu à aucune discussion qui permette de préciser la nature du mandat conféré aux délégués. On parait y avoir surtout respecté les positions acquises. A l’exception de quelques personnalités éminentes, ayant déjà pris part aux débats qui se sont élevés depuis dix ans sur l’opportunité de réformer les méthodes et les programmes en vigueur dans nos écoles, et dont l’opinion est par conséquent connue, il est difficile de savoir exactement sur quel terrain se placeront ces nouveaux membres du Conseil. On croit généralement cependant que leur sentiment sera peu favorable aux réformes.

C’est dans l’enseignement proprement dit, depuis les Facultés jusqu’aux simples collèges, que l’agitation a été considérable. Les élections y ont produit un mouvement très intéressant à étudier. Les candidats des Facultés et des divers ordres d’agrégation des lycées ont du, pour se faire connaître des électeurs répartis dans tous les établissements universitaires de France, lancer des circulaires et publier des manifestes. Il s’est même fondé un organe spécial, destiné à les mettre tous en relations ; une polémique s’est engagée, très vive et très passionnée, entre les partisans des réformes et les avocats du maintien intégral du système actuel. C’était la première fois que nos professeurs pouvaient formuler hautement, sans crainte d’être compromis ou désavoués, leurs opinions sur la valeur des méthodes d’instruction qui leur sont imposées. La discussion à laquelle ils se sont livrés a révélé un travail intérieur dont on ne soupçonnait pas l’intensité, et qui a dû surprendre bien des gens. L’Université tout entière appelle des réformes dans l’enseignement, dans l’enseignement secondaire surtout : telle est la signification parfaitement nette du vote du 15 avril. Les choix des Facultés, — des Facultés des sciences principalement, — et des agrégés des lycées ont été à cet égard aussi expressifs que possible. Il ne faut faire d’exception que pour le délégué des agrégés de grammaire, qui a défendu très vigoureusement les vieilles traditions scolaires. 11 est évident que les réformes jetteront quelque trouble dans les habitudes des professeurs de grammaire ; mais pas au point cependant de bouleverser leur situation. Leur émoi en cette circonstance a été exagéré et l’avenir les rassurera, croyons-nous. Les professeurs des collèges communaux et de l’enseignement primaire, à la suite d’une entente assez laborieuse, ont donné également, par leurs voix, l’adhésion la plus complète aux réformes.

En définitive, on peut compter que les quatre cinquièmes des élus sont d’accord sur la nécessité de modifier notre enseignement national. Le gouvernement s’est réservé le droit de compléter le Conseil par la nomination de 13 membres à son choix. Les quelques noms mis en avant nous font prévoir qu’il est décidé à tenir compte des vœux exprimés par l’Université et qu’il ne cherchera pas à entraver le mouvement qui vient de se dessiner si nettement en faveur des nouveaux programmes.

La Nouvelle Revue (Mai 1880)
Imprimé sur une presse rotative virtuelle à l'imprimerie municipale de Cheynac.