Nouveaux organes politiques
Les deux nouveaux organes politiques dont nous avions annoncé l’apparition prochaine ont en effet commencé leur publication : la Justice, sous la direction effective et déclarée de M. Clémenceau ; le Réveil social, dont M. Louis Blanc s’est contenté d’accepter le patronage platonique dans une lettre insérée en tête du premier numéro.
Il sera intéressant d’observer quelle place et quelle importance vont prendre, dans l’attention et l’opinion publiques, ces deux feuilles essentiellement militantes. L’une et l’autre arborent à peu près le même drapeau et entrent dans l’arène au nom du même groupe de l’extrême gauche parlementaire ; mais, tandis que le journal de M. Clémenceau engage la bataille sur le terrain exclusivement politique, le Réveil social justifie son titre en déclarant que les questions politiques passent pour lui en seconde ligne. Des deux côtés, au surplus, le but indiqué jusqu’ici en termes généraux demeure tort vague et l’itinéraire par lequel on se propose d’y arriver plus vague encore. La Justice réclame l’amnistie plénière, tiraille contre M. Gambetta et parle beaucoup de réformes sans rien préciser. Le journal où M. Louis Blanc parait devoir jouer le rôle de divinité voilée se borne à récapituler, avec des points d’interrogation, les questions perpétuelles du problème social. Rien de tout cela n’est bien nouveau et ne dit ce qu’on veut faire, jusqu’où l’on veut aller et comment on se propose d’y arriver. Le programme d’action reste toujours à formuler. Or, c’est ce que le pays, fatigué de phrases, demande à ceux qui viennent sans cesse lui dire de se fier et de se confier à eux. Jusqu’à ce qu’ils aient laissé de côté les formules oraculaires pour parler la langue de la politique de résultats, la Justice et le Réveil social sont deux journaux semblables en tout à ceux qui existaient déjà, rien de plus.
Une évolution vers la gauche s’est en outre accomplie dans un journal fondé il y a quelques mois sous les auspices du groupe demi-républicain que personnifie M. Savary. Le Globe, qui avait commencé sa publication avec huit pages quotidiennes et un supplément le samedi, n’a point répondu, parait-il, à Fobjet que se proposaient ses fondateurs, d’acclimater en France le journalisme à l’anglaise. Ramené au format ordinaire, il vient de passer entre les mains d’une nouvelle direction appartenant à une nuance beaucoup plus prononcée.